Et soudain, la route est devenue noire
Attention, cet article n’est pas, comme d’habitude, le plébiscite d’une région et d’un pays que j’adore et qui me font rêver. Non, il s’agit de mettre en avant quelque chose qu’on ne voit pas forcément d’où nous sommes, quelque chose qu’on ne montre pas sur nos jolies photos de paysages enneigés. Quelque chose qui, loin de chez nous arrive difficilement à nos oreilles et notre vue, ou que nous souhaitons occulter. Quelque chose de triste, du moins pour moi, mais que je souhaitais partager, en espérant que cette contribution à mon niveau fera des petits, ouvrira peut-être une ou deux consciences, et fera effet boule de neige – nous sommes après tout dans la région. Quelque chose que je ne voudrais plus revoir, du moins dans ces proportions.
La Laponie, dernier endroit sauvage en Europe
C’était il y a maintenant 6 ans. Un peu par hasard je découvrais la Laponie, et surtout Junosuando. Village perdu non loin de la Finlande,entouré de lacs, de forêts et de marécages, recouvert de neige. La nature et la pureté à l’était brut, des couleurs de maisons rouges et jaunes se fondant parfaitement avec le blanc immaculé de la neige, partout ! Un endroit de rêve, l’équivalent givré de mon point de vue d’une île paradisiaque au soleil dont peuvent rêver certains.
La Laponie, région hors du temps…avant !
J’y suis retourné deux fois par la suite, entre petits roadtrip, mais toujours avec le même plaisir et le même éblouissement, la dernière fois il y a trois ans, déjà. Le temps passe vite, et si il semble, comme il me semblait pour cet endroit-là, se figer ou du moins avancer différemment, il peut au contraire sans que l’on s’en rende compte, s’accélérer brutalement. Et se rapprocher des travers que nous connaissons d’un village qu’on imaginait protégé, hors du temps, hors de notre fou monde.
Un territoire sauvage protégé !?
Entre ces différents premiers voyages et séjours en Laponie, rien n’avait changé, la grande route entre Kiruna et Pajala était toujours blanche, et on la distinguait à peine de ses bords. Le sol était gelé, blanc et glissant, le bord de la route était blanc, seuls points de vie les traces d’animaux, rennes et élans étant les maîtres de la région. La civilisation, dans ce qu’elle a de mauvais avec ces problèmes attenants de pollution entre autre (sonore, lumineuse, pollution tout court), était encore loin, et je me disais qu’ici, rien ne changerait. Trop éloigné, et sûrement protégé, qui souhaiterait détruire un paradis pareil? Le paradis blanc… Un des derniers espace vierge d’Europe? Et les Sames, dernier peuple autochtone d’Europe et protégé par l’ONU, le gouvernement suédois doit en prendre soin (car j’imagine que c’est bon pour le tourisme).
La Suède étant de plus perçue depuis chez nous – tant de fois je l’avais défendue – comme un pays où l’écologie prend le pas devant la religion de l’argent et du capitalisme fou qui peu à peu détruisent notre mère la terre.
« Le temps c’est de l’argent, que la mort nous reprend » disait Mickael Furnon.
Et pourtant…
3 ans déjà, tant et si peu à la fois
Entre temps, j’ai découvert que la Suède, sous couvert de peuple tolérant et surtout protecteur de la nature, était prêt à brader son territoire et ces richesses pour de l’argent à destination de compagnies minières étrangères. J’ai appris que les Sames, vivant principalement de l’élevage de renne, mais surtout vivant en communion avec la nature, leur mère, gênaient et n’avaient absolument pas leur mot à dire. Ne l’avaient jamais trop eu en Suède (qui pourtant dit le contraire), mais protégés et en évolution leur condition faisait de la laponie une sorte de sanctuaire. La Suède, ce pays qui me fascine(nait, à l’imparfait désormais) tant.
Kallak, je vous en ai déjà parlé l’été dernier, lorsque contre l’avis des Sames, une compagnie minière allait creuser la montagne, territoire sacré d’un peuple et des rennes, pour trouver des pierres.
Vous allez me dire, il n’y a personne là-haut et de l’espace à gogo, et est-ce si grave que ça? Il faut bien du métal pour fabriquer nos iPhones…
Un territoire pas si immense que ça
Oui, car premièrement, cette activité gêne le travail (déjà difficile) des éleveurs de rennes, qui ne peuvent plus faire migrer et vadrouiller en liberté leurs troupeaux. Ceux-ci doivent subir les chemins imposés par les humains. Deuxièmement, l’extraction de minerai pollue énormément, et ces terres défigurées, seront polluées de produits chimiques pour les décennies à venir.
La fin d’une région non polluée, et de la nature sauvage
Je viens de passer une semaine sur le bord d’une rivière en Laponie, à boire l’eau directement en creusant un trou: impensable chez nous, la carte de France montrant que la quasi intégralité des sources d’eau, des rivières et des fleuves sont polluées et imbuvables. Mais c’est pourtant tellement magique de pouvoir le faire ! Que se passera-t-il quand les gens attraperont cancer sur cancer à cause de cette eau qui deviendra impropre à la consommation, mais qu’ils continueront de boire, par habitude? Et tous les animaux, avec les implications sur la chaîne alimentaire qui en découle? Est-ce que je pourrais revenir dans quelques années pour vivre une expérience similaire, ou est-ce que les mines auront troué tout le territoire (certes immense mais au regard des dégâts occasionnés et à la vitesse dont les compagnies grignotent les terres, plus tant que ça) et reboire l’eau de la rivière Kalix?
Mais comment la route est devenue noire?
Mais je m’éloigne du titre de cet article, car comment la route est devenue noire, c’est l’histoire d’une route blanche, propre, et pure, tellement pure que ça en était surréaliste, et qui a cause de l’appétit incontrôlable des hommes pour l’argent, est devenue noire, en 3 ans de temps…partout autour, elle est devenue sale, un mauvais périphérique dans une région pourtant réputée pour être un des derniers endroit propre du continent. Quelques voitures chaque jour jusqu’à maintenant, un ballet de camions inhumains désormais…
Junosuando, mon paradis blanc, est désormais traversé de camions robots, identiques et noirs, comme dans de mauvais dessins animés, toute les 2 minutes, lumières géantes devant, rideau de fumée derrière, recouvrant petit à petit les maisons, les villages tout du long, et la route…
Une région défigurée par l’activité minière et humaine
Ces camions, ils viennent de mines finlandaises, et se rendent à Narvik en Norvège. Oh, ils n’ont pas le droit de rouler sur cette route qui n’est pas adapté, mais ces compagnies minières n’en n’ont cure, un peu d’argent aux autorités et celles-ci fermeront les yeux, nous avons tous tellement besoin de ces minerais pour faire fonctionner nos objets tellement précieux…
Ils prévoient de construire une autre route, plus adaptée, en parallèle: encore des terres prises aux habitants, et aux Sames, qui n’auront pas leur mot à dire. Je connais un coupe de mushers (chez qui j’ai découvert le chien de traîneau dans un endroit superbe), qui vont perdre leur zone de promenade au profit de cette route. Que vont-ils devenir? Encore des espaces de nature détruits, sans personne pour s’en soucier…la vie est injuste, et je suis en colère, de l’avoir vu, de mes propres yeux, et que ça se soit matérialisé de cette manière.
En attendant, j’étais sur cette route pour retourner à Kiruna, dans le bus me ramenant à notre France malheureusement polluée, déjà, et autour de moi je vois ce désastre, cette horreur, après avoir entendu toute la nuit, toute les 5 minutes, ces camions bruyants passer. Et la neige, autour de moi est devenue noire, comme mon esprit à ce moment là…
Est-ce le moment de dire adieu définitivement aux derniers espaces vierges et purs d’Europe?
Pessimiste pour l’avenir, sauf si…
Pour terminer, admirez ces magnifiques photos de la mine de Kiruna, de ces routes saccagées, et de ce que cela risque de donner si personne ne fait rien…
*Ceci ne doit surtout pas vous empêcher d’aller visiter la Laponie, et surtout, vous devez y aller : la région est magnifique, ces photos ne sont que des petites parties, et le tourisme peut sûrement et doit peser dans la balance, et inciter l’état suédois à agir et protéger son environnement.
Quel massacre, cette montagne déchirée.
Oui, et quand tu passes en voiture, tu vois de temps à autre des montagnes creusées, comme des cicatrices, ça fait bizarre…c’est triste
Juste une précision, les mines ne rendent pas le travail des éleveurs plus difficile, elles le rendent impossible. Par exemple la future mine de Kallak sera au milieu du pâturage d’hiver du village : plus de pâturage => plus d’élevage
Merci pour la précision !
C’est bien triste tout ça … L’homme s’autodétruit…
Oui, et il le sait en plus, mais comme beaucoup de chose, l’argent et le confort passent avant toute chose…
Une vraie claque ton article, je le partage !
Détruire cette superbe région serait regrettable…..
Oui, les hommes sont fous, et les suédois devraient protéger la Laponie et plutôt promouvoir un tourisme responsable !