Où l’aventure aurait pu tourner mal
Une très longue journée en ski de randonnée nordique
Ça m’est arrivé lors de mon dernier séjour en Laponie, et ce fut le moment le plus difficile, et dangereux de l’aventure, celui qui aurait pu mal tourner. Celui qui fut sur le moment désagréable, mais qui maintenant avec le recul fait partie de ces anecdotes qu’on aime à conter, oubliant le mauvais et la difficulté de l’instant présent et l’embellissant de 1 000 détails.
Au départ, des conseils, une carte et un plan
Mikael, mon hôte, m’avait conseillé une randonnée pendant mon séjour : longer la rivière Kalix depuis mon camp, la traverser avant une petite île et surtout pas avant, la glace étant dangereuse sur ces rapides « si tu tombes tu seras aspiré en dessous et ne pourra pas remonter à cause du fort courant« , et si j’avais le courage suivre les traces de motoneiges marquées de croix rouges.
« Follow the tracks » m’avait-il dit, ce que je me suis répété une bonne partie du chemin.
Pour le retour, je n’avais pas tout compris, juste d’éviter de traverser ailleurs qu’au point de passage qu’il m’avait indiqué à l’aller, et je me disais que je trouverais bien pour effectuer la boucle. Boucle dont je ne savais pas – ou n’avais pas compris – combien de temps cela pourrait me mettre. Et faire attention je me répète, surtout au niveau des rapides, la rivière étant mal gelée.
Mais quelques oublis qui auraient pu avoir leur importance
Il m’avait prêté un GPS de randonnée avec la carte rechargée, au cas où, et une carte plus détaillée que celle que j’avais, de l’endroit où je me trouvais, toujours au cas où, mais bien sûr je ne les ai pas emportés (oubliés à Junosuando dans l’excitation et l’euphorie du départ). Bref, c’est sur ce genre de détails qu’une randonnée, expédition ou trek peut mal tourner. J’avais aussi oublié de prendre une lampe et 2/3 autres éléments de survie de base…
C’est donc assez tard, le temps de me lever – oui j’ai très bien dormi malgré le fait qu’il fasse bien frais dans la cabane et qu’il fasse clair à 3h30, comme quoi on s’habitue rapidement aux différentes conditions, de casser la glace pour faire mon thé, et déjeuner, que je suis parti. Il avait fait froid la soirée et la nuit précédente, mais le soleil avait désormais totalement réchauffé l’atmosphère, et à 10h30 bien tassés je pris le route (ou la trace plutôt), sous un magnifique soleil mais avec un vent assez fort obligeant quand même à rester bien couvert !
Savoir lire une carte ou s’orienter ?
Et bien tout d’abord, force est de constater que mes problèmes d’échelles entrevus l’année dernière en Suède déjà, où le plan Google Maps m’avait paru bien plus simple et le trajet plus rapide et court que la réalité ne l’était ne sont toujours pas résolus. Si je n’ai pas trop de problèmes d’orientation, lire une échelle sur une carte se révèle relativement compliqué et incertain dans mes conclusions. Après vous me direz, l’important c’est de reconnaître son trajet pour ne pas se perdre, le temps n’étant qu’une valeur relative, ce à quoi j’acquiesce bien entendu sans aucune réserve, car quand il faut y aller, on y va et on y arrive !
J’ai donc dû mettre 2h30 environ à trouver cette île, et donc l’endroit qui me permettrait de traverser la rivière, d’où démarreraient les traces de motoneiges « follow the tracks« . Bon, en skiant tranquillement, avec de nombreuses pauses photos, casse-croûte, admiration des paysages et de la rivière…
2h30 à suivre la rivière, et ses rapides ou la glace est effectivement rompue par (nombreux) endroits. Petits trous, mais bruit en dessous, étrange impression, de traverser sur des crevasses par endroits, sans être totalement rassuré, même si la glace paraissait globalement très épaisse !
Des rives de la rivière à la forêt de pins
Arrivée dans la forêt, changement d’ambiance et de paysage, d’un coup il faut monter (et glisser, pas si simple quand on ne maitrise pas totalement le ski de rando), avant de faire l’énième pause, mais du repas celle-là, car bon, 2h30/3h de randonnée en ski avec un poids certain sur le dos, ça creuse quand même.
Quelques mots échangés sur Allo la Planète où Éric Lange me dit « sois prudent quand même, tu peux pas te perdre hein, t’es sûr?« , et moi lui rétorquer « meuh non, pas de soucis je follow les tracks« , et mon idée était de faire demi-tour quand serait venu le moment, donc rien de sorcier, sauf que…je déteste faire demi-tour et repasser au même endroit, et j’avais bien compris que je pouvais faire une boucle (ce que je n’avais pas compris, c’était où la faire, ni le temps que prendrais le tour, mais j’y reviendrais), et donc, arrivé au moment où soit je continue et je ne peux plus faire demi-tour (je m’étais donné 15h30 comme limite histoire de rentrer pour 18h en étant plus rapide que le matin – oui, dans ma tête je suis plus rapide après 5h de ski qu’à la fraîche bien reposé), je décide de continuer, car ce serait bête de rater de jolis paysages quand même !!!
Et petit à petit, sans s’en rendre compte, tout devient difficile
Petit à petit, je me demande quand même si le chemin est bon et si je suis dans la bonne direction pour rejoindre l’autre camp d’où je devrais rejoindre la rivière et éventuellement un point de passage, mais au vu du soleil et de la direction que je pense être la rivière, il semble que oui. Alors ça monte, ça descend, c’est fatiguant, je commence à sentir le poids du sac et des efforts accomplis depuis le matin, mais le chemin est marqué, et j’arrive à un moment sur des traces de skis, récentes, et je me dis que je suis sur le bon chemin.
Et effectivement, j’arrive (enfin) sur ce qui doit être le second camp de Mikael, occupé par des touristes et Leif, un guide très sympa que j’avais rencontré le jour du départ. Mais n’ayant pas spécialement envie de voir des humains (j’ai vu des rennes le matin même, qui ont parfaitement comblé ma solitude), je ne cherche pas plus à aller voir si ils sont dans la cabane. J’étais donc décidé à rejoindre la rivière Kalix, sur le bord de laquelle se trouve le camp, mon idée étant de la suivre sur ce bord pour la traverser à mon point de passage du midi.
Intelligente idée n’est-il pas? Sauf que, les subtilités que je n’avais pas saisies, c’est qu’au bout d’environ un kilomètre, la glace sur laquelle on pouvait skier sur le côté, qui semblait relativement solide, se transforme d’un coup en vraies rapides, infranchissables sauf si l’envie de rejoindre quelques jours plus tard sous quelle forme je n’en sais rien la mer baltique se fait sentir. Et je ne le souhaitais pas, évidemment.
J’ai voulu vivre Into The Wild, j’ai presque vécu Into The Wild
Vous vous rappelez Into the wild, ce merveilleux film, lorsqu’Alex Mac Candless doit traverser la rivière mais que celle-ci à gonflée par rapport à son premier passage ? Bein j’étais exactement dans cette situation.
Sachant qu’il restait 2h de soleil environ, que la température clémente allait rapidement virer au négatif + le vent, il me fallait me dépêcher : à gauche les rapides, à droite une colline, impossible de repasser par mon chemin de l’aller, sinon je risquais de me perdre et devoir passer une nuit dans la forêt par -20 sans l’équipement adéquat. Je déchaussais rapidement mes skis, et montais les quelques mètres de la colline avec de la neige bien humide jusqu’aux hanches, pour tenter d’avancer en passant par en haut, voir où j’en étais exactement, et essayer de dépasser ces rapides rapidement. Mais arrivé en haut au prix de quelques litres de sueur, je me rendis bien compte que c’était impossible d’avancer dans cette direction et par le haut, et qu’il allait me falloir trouver une autre solution: retour en arrière ? Traverser en amont? J’étais pour l’instant bloqué…
Comment retrouver son chemin ?
Dans ce type de moment, il faut réfléchir vite, ne pas paniquer, rester calme et ne pas prendre une mauvaise décision sous le coup de l’émotion.
Premièrement, retourner vers le camp numéro 2, d’où je retrouverais des pistes, voire des personnes pour m’aider et éventuellement ne pas passer la nuit dehors (oui, là ce ne sont plus uniquement des humains), et éventuellement, même si mon amour propre le refusait, demander conseil à Leif. Mais du haut de ma colline, rapidement, j’ai commencé à tourner en rond, la colline était faite de pins, de neige profonde, aucune vue, chaque détour ou pas m’éloignait ou me rapprochait, je n’en savais trop rien, et le bruit des rapides d’un coup a disparu. Le calme total.
Que j’aurais apprécié en temps normal mais qui ne me faisait plus rire. Plus de peur, plus de mal, mais plus de direction…Aucune vision, de gauche à droite et du nord au sud, tout était identique, et le soleil trop bas pour montrer des ombres et me diriger (et là, en l’écrivant, je repense à ma boussole dans ma poche). Mais bref, perdu en 2 minutes !
Retrouver ses marques, ne pas paniquer
J’ai donc essayé de retrouver la rivière maudite, vers la direction que je pensais être la bonne, pour retourner ensuite sur mes pas vers le camp. Rebelote déchausser pour descendre avec de la neige jusqu’aux hanches en portant sac, appareil photo, skis de rando bien lourds, et bâtons, les porter, les jeter, me déplacer difficilement, quelques mètres par quelques mètres, et enfin la retrouver, cette terrible rivière en amont des rapides, j’avais donc bien reculé, malgré l’impression d’être resté sur place. Sûrement une dimension parallèle…
Et là, le temps passant, ma fatigue se faisant de plus en plus importante (de bonnes douleurs commençaient à me prendre au niveau du cou), je pris la décision de traverser, malgré le danger.
La zone avant les rapides paraissait presque plate et plus sûre, et j’essaierais de tester la glace en y allant doucement, petit pas par petit pas, tapant le glace avec mes bâtons, priant un dieu auquel je ne crois pas mais auquel j’aurais aimé croire pour lui demander de m’aider.
Le temps s’arrêta, quelques instants…
Ces quelques centaines de mètres furent autant de kilomètres qu’une randonné entière, mais finalement tout se passa bien (oui, vu que vous me lisez), et je fus content d’être de l’autre côté.
Il restait maintenant à espérer que la même mésaventure ne se reproduise pas plus loin, mais ce côté semblait vraiment plus sûr, plus plate avec la possibilité de rester à la limite des sapins au raz de l’eau au cas où. Petite frayeur cependant quand j’arrivais sur une zone où des cours d’eau semblaient rejoindre la rivière, et où j’eu l’impression de me retrouver sur une sorte de pont de glace au-dessus de l’eau glacée…
Finalement, il ne restait plus que quelques heures
Je fus content d’arriver à mon point de passage du midi, il commençait à se faire tard, le soleil venait de disparaitre, et si j’avais la chance que la luminosité reste très importante et longtemps sous cette latitude, je commençais à vraiment fatiguer, niveau musculaire surtout, et il me restait d’après mes estimations environ 2h de ski avant de retrouver mon camp. La température, bien agréable toute la journée était désormais de -7, et descendait rapidement.
J’arrivais au bout d’une heure et demi environ, à 18h30, endolori (au niveau des épaules et du cou je pouvais à peine bouger et faire de gestes brusques me faisait énormément souffrir), mais content, avec l’envie énorme de tester le sauna, après tout, même si je ne dormais pas dehors, je l’avais bien mérité, avec ces 8h de ski et les mésaventures de cette Journée…Journée qui se finira sous les aurores boréales !
Il a de plus fait très froid ce soir là. Rapidement, la température est descendue à -15° et certainement plus bas plus tard dans la nuit, et chaque geste devenais compliqué. En plus de la fatigue, une lassitude, et l’envie de profiter : manger avec tout qui refroidissait rapidement, toute eau gelait (le bouchon de la thermos impossible à ouvrir, les gamelles d’eau qui devenaient difficilement utilisables), les doigts morflaient quand il fallait rester dehors à attendre les aurores (avec en plus du vent), et je suis finalement rentré un peu en urgence, lorsque j’ai senti que mes doigts commençaient à devenir gourds, et que je savais que j’en avais besoin pour allumer mon feu, sinon cela serait devenu compliqué !
Cette histoire avec du recul aurait pu mal tourner (même si j’aurais toujours eu la possibilité d’appeler à l’aide – si le téléphone avait capté – cependant ce type d’aventure m’a permis de relativiser un relatif trop plein de confiance et de me faire mon expérience sur des détails qui peuvent rapidement conduire à la catastrophe !
Un yo de karaté simplement et hope la vie était belle.
biz à vous 4
Merci Maître 🙂
Transformation « Super Glaçon » 🙂
Voici donc dans le détail, cette mésaventure que tu dont tu avais parlé dans « Allo la planète » !!
Je comprends que l’on puisse « s’égarer » quand je vois tes photos (sublimes), tout est blanc, pas facile pour les points de repère.
bises
Oui, tout est blanc! Après, c’était plus de ma faute que celle du paysage (qui m’a peut-être juste hypnotisé ce qui expliquerait ces petits oublis)
Grand débutant va 😉
Oh ça va hein !!!
En me relisant encore une fois, je me suis aperçu d’avoir lâché des fautes, je pensais pouvoir les reprendre, je n’ai pas pu, désolé
J’espère que le message est compréhensible
Salut Nico!
Tu n’avais pas empoter de briquet avec toi?
Même si je ne fume plus depuis longtemps, mais c’est la chose de base avec la frontale que j’avais sur moi en permanence, quand j’étais partis en balade et bien que j’étais proche de la ville de Gallivare , il neigeait trop, trop fatigué et trop égaré, ce stupide briquet m’a servi cette nuit là, si cette éventualité je l’avais imaginé plusieurs fois et ce que je devait faire pour me sortir de cette merde, j’ai eu peur
Tu as l’air aussi tête de mule que je le suis, fais gaffe à toi 🙂
Sisi j’avais un briquet et un firesteel. Mais pas de frontale, ni de couche de vêtements supplémentaires (j’étais habillé uniquement d’un tshirt thermo et de ma veste Northface) et ça je l’ai regretté dans ce cas précis (il avait dû faire -10 la nuit d’avant et il a fait -15/-20 la nuit d’après).
C’est très intéressant que tu ais détaillé ce qui t’es arrivé, et surtout d’analyser ce qui s’est passé pour éviter de le reproduire par la suite. Trop peu de personnes le font par « honte ». Et je trouve ça bien de « t’exposer » ainsi de cette façon.
Le fameux « trop plein de confiance » qui est si fragile, tangible.. Il est difficile de rester modeste face à la nature, quand tout va bien, on se croit puissant mais pas du tout, on est toujours vulnérable…
Pour être honnête quand je t’avais vu à la soirée à l’institut suédois, avant que tu partes, je craignais ce genre de choses, je te voyais confiant et « excité ».
Finalement, t’as su bien réagir, prendre du recul, ne pas paniquer et ça te fait prendre du recul pour une éventuelle prochaine fois 🙂
Les expériences doivent être bonnes ou mauvaises, je trouve honnête de les raconter! Après, si l’organisation n’est pas totalement ma plus grande qualité, le sang froid l’est et ça permet de ne pas paniquer (globalement il m’en faut avant de paniquer!). Et dans ce cas présent, en derniers recours je pouvais toujours passer le coup de fil à un ami 🙂