Interview: ils ont couru le Marathon du Pôle Nord
Des coureurs du Marathon du Pôle Nord
Stéphanie et Jérémie Gicquel sont les Runners to the pôle : ils ont participé à une course très impressionnante et complètement folle, le Marathon du Pôle Nord, dont nous avions parlé sur Carnets Nordiques . Ils ont accepté de répondre à quelques questions concernant cette course, et leur engagement autour de l’association « Les Petits Princes ».
Carnets Nordiques :
Vous avez récemment participé au Marathon du Pôle Nord : 42 kilomètres autour du pôle, constitués de 9 boucles de 4,7 kilomètres, car vous aimez la course à pied et les régions polaires, mais aussi pour soutenir une association, l’Association Petits Princes.
Vous avez accepté de répondre à mes questions (dont certaines font parties de vos explications sur votre blog, donc ceux qui voudraient en savoir plus sont invités à le parcourir – et y lire les nombreuses interviews de sportifs et passionnés du Grand Nord), et je vous en remercie.
D’où vous vient cette passion des régions polaires ? Pourriez-vous nous parler de votre parcours de vos coups de cœur ?
Stéphanie et Jérémie :
C’est une passion commune que nous avons découvert tardivement. C’est pendant nos études que nous avons commencé à voyager, sac au dos, aux Etats-Unis, en Australie, en Amérique du Sud.
Nous avons découvert les grands espaces et nous nous sommes rendus compte que nous nous sentions vraiment bien dans ces lieux. Quelques années plus tard, attirés par les photos et les récits d’explorateurs polaires, nous sommes partis pour la péninsule Antarctique. Ce fut une révélation. La magie du Grand Nord avait opéré.. Nous avons ensuite enchaîné les expéditions (de courte durée afin de les concilier avec nos vies professionnelles), en été, en hiver, au Spitzberg, sur la côte Est du Groenland, puis dernièrement au Pôle Nord.
Il nous reste encore beaucoup d’endroits à découvrir dans ces régions !
Nous n’avons pas de coup de cœur en particulier. Nous avons autant aimé les immenses icebergs en Antarctique que la banquise et les glaciers en Arctique. Chaque expédition est unique, des couleurs, des ambiances différentes, des moments et des moyens de déplacement différents. On ne peut pas les comparer.
Carnets Nordiques :
Comment avez-vous découvert le marathon du Pôle Nord ? Pourquoi celui-ci plutôt que celui du Groenland (par exemple)? Comment ont réagi vos proches quand vous leur avez annoncé que vous vouliez partir sur une aventure comme celle-là ?
Stéphanie et Jérémie :
Nous avons découvert ce marathon durant l’été 2012. Nous naviguions sur des blogs et sites relatifs aux régions polaires quand nous sommes tombés sur le site du North Pole Marathon. Nous n’avions pas encore établi notre calendrier de courses 2013 (nous sommes également passionnés de course à pied et trails). Nous avons alors décidé de nous fixer cet objectif pour le mois d’avril 2013. Nous voulions participer rapidement au Marathon du Pôle Nord, car du fait de la fonte de la banquise, nous pensons que ce marathon ne sera peut-être plus organisé dans quelques années. Nous participerons certainement un jour au marathon du Groenland. Nous en avons encore beaucoup à faire !
Nos proches nous ont encouragés. Cela ne les a pas trop surpris. Ils ne sont plus étonnés…ils ont l’habitude.
Carnets Nordiques :
Comment vous êtes-vous préparés, et en combien de temps ? Qu’aviez-vous prévu en terme de vêtements pour lutter contre le froid ? Aviez-vous pu les tester dans des conditions de course et réelles ?
Stéphanie et Jérémie :
Nous avons commencé à nous préparer mi-décembre 2012. La préparation a été semblable à celle d’un marathon sur route (séances de fractionnés, de côtes, sorties longues, etc). Nous avons également couru plusieurs fois sur la neige à partir de janvier. Nous avons aussi participé à des trails blancs. Nous adorons le trail (et nous avons déjà couru des marathons et ultra-trails). Nous aurions donc participé à ces trails blancs même si nous n’avions pas eu le Marathon du Pôle Nord pour objectif.
Il faisait -30°C lors de notre course au pôle Nord. Nous portions trois couches en haut (laine mérinos, polaire, coupe-vent) et deux couches en bas. Nous portions des chaussures de trail (classiques pour Stéphanie et Gore-Tex pour Jérémie). Nous portions un masque de ski pour couvrir les yeux, une cagoule en soie, un tour de cou polaire autour de la bouche pour réchauffer l’air avant de l’inspirer, et un bonnet polaire. Nous portions plusieurs gants et plusieurs chaussettes pour éviter toute gelure.
Nous n’avons jamais pu nous entraîner par -30°C. Ceci étant, nous avons passé quelques jours à bivouaquer au Spitzberg par -20°C, -30°C les jours précédant le marathon. Cela nous a bien aidés à nous habituer au froid.
Carnets Nordiques :
Comment vous êtes-vous organisés d’un point de vue logistique, de la préparation, et d’un point de vue purement pécuniaire ? Il faut du temps, or avec 5 semaines de congés cela limite les déplacements ? De même les frais pour un séjour de ce type sont souvent assez élevés, est-ce que tout vient de vous, ou avez-vous trouvé des sponsors ?
Stéphanie et Jérémie :
Nous avons été sponsorisés. C’est vrai que cela n’est pas facile et il faut donc beaucoup de détermination. Pendant plusieurs semaines, nous n’avions que deux activités : activité professionnelle et préparation du marathon. Il nous arrive fréquemment de courir le soir tard après le travail – vers 22h/23h. Nous nous levions aussi souvent très tôt (par exemple, pour partir le samedi matin à 6 h pour Grenoble afin d’aller courir sur la neige).
Carnets Nordiques :
Est-ce qu’il y a une organisation particulière au sein de votre « équipe » ?
Stéphanie et Jérémie :
Nous avons la chance de partager des centres d’intérêt communs et d’avoir des contraintes professionnelles similaires, ce qui facilite notre organisation.
Carnets Nordiques :
Pouvez-vous nous parler de la course, comment l’avez-vous ressentie et vécue ? Combien d’arrivées pour combien de participants ? Est-ce que vos corps ont bien (sur)vécu cette course extrême ?
Stéphanie et Jérémie :
Le départ est donné le 9 avril à 00 h 30, sous le soleil de minuit. Il fait alors 28°C, mais la température descend rapidement à -30 °C. Nous partons pour 9 boucles de 4,7 kilomètres chacune, avec la possibilité d’effectuer un arrêt à chaque tour sous une tente chauffée (15°C) pour nous ravitailler.
La sensation de chaleur procurée par l’équipement ne dure qu’un tour, avant que le froid nous saisisse et nous accompagne jusqu’à la ligne d’arrivée !
Nous avons décidé de faire un arrêt ravitaillement tous les deux tours si possible. Ce sera effectivement le cas, avec un arrêt un peu plus long, une dizaine de minutes, après le 6ème tour, pour retirer la glace formée entre la deuxième et la troisième couche. Entre temps l’effet conjugué du froid glacial et de notre transpiration a rapidement et littéralement figé notre veste en position course à pied, i.e. bras pliés !
La surface au sol est très irrégulière et rend la course plus difficile par endroit mais nous nous efforçons de garder un rythme de course régulier, en relançant sur les quelques passages un peu plus roulants. Après chaque ravitaillement, il nous faut de plus en plus de temps et quelques accélérations pour estomper les effets du froid sur nos doigts (mains et pieds).
Nous pensons à tout le soutien que nous avons reçu au cours des mois de préparation de ce projet, et l’Association Petits Princes, et nous courrons, le regard alternativement posé sur une étendue de banquise sur laquelle le soleil de minuit vient se refléter et souvent sur nos pieds pour assurer chaque pas dans les passages difficiles.
Arrive enfin le 9ème tour, et nous sommes toujours dans les temps pour notre objectif. Nous essayons de profiter au maximum de ce dernier tour, mais c’est difficile, et nous restons concentrés jusqu’à la ligne d’arrivée, où nous déployons fièrement le drapeau de l’Association Petits Princes.
Sur 46 participants, 6 ont abandonné (notamment pour causes de chute sur la glace, hypothermie, gelures des orteils).
Il y avait une très bonne ambiance entre les coureurs, conviviale. Nous sommes restés ensemble pendant 3-4 jours ce qui est rare pour une course (à l’exception des raids par étape).
Nous étions bien préparés, ce qui nous a permis de bien vivre cette épreuve. La récupération n’a pas été plus longue que pour un autre trail. Nous avons repris progressivement l’entraînement une semaine après la course.
Carnets Nordiques :
Qu’avez-vous prévu après cette formidable aventure ? N’avez-vous pas peur d’un sentiment de vide ?
Stéphanie et Jérémie :
Non, il n’y a pas de vide. Dès notre retour, nous avons entamé notre préparation au Grand Raid du Morbihan (un trail de 178 kms) qui aura lieu fin juin. Il faudrait peut-être, au contraire, que nous trouvions un peu de temps pour nous ennuyer.
Nous allons continuer à alimenter notre blog avec des interviews de sportifs (trailers, coureurs de fond) et d’aventuriers des régions polaires. Le trail et les régions polaires sont nos deux passions et nous sommes ravis d’avoir pu créer un blog autour d’elles. Ce projet nous permet de rencontrer et d’échanger avec des sportifs et aventuriers – des échanges qui sont toujours très enrichissants.
Carnets Nordiques :
Pouvez-vous nous parler de l’association des Petits Princes ?
Stéphanie et Jérémie :
Nous adhérons totalement au projet de l’Association Petits Princes. Depuis 1987, l’Association Petits Princes réalise les rêves d’enfants gravement malades autour de leurs passions, en fonction de leurs traitements et hospitalisations.
Lorsqu’on apprend que l’on est gravement malade, la vie bascule du jour au lendemain, on a l’impression de ne plus exister. Tout comme les membres de l’Association Petits Princes, nous sommes convaincus que le rêve permet à l’enfant de se projeter dans l’avenir, de trouver ainsi l’énergie indispensable pour combattre la maladie et de conserver, malgré tout, une part d’enfance.
Nous avons essayé de mettre en avant l’Association Petits Princes autant que possible. Et nous avons créés une page de collecte de dons. Les personnes qui ont souhaité ou qui souhaitent nous soutenir dans notre engagement peuvent faire un don à l’Association Petits Princes en se connectant sur notre page de collecte : http://www.alvarum.com/stephaniegicquel.
Merci beaucoup pour le temps passé, je vais pour ma part continuer à suivre votre blog, vos aventures, et pourquoi pas courir de mon côté un (semi)marathon, du Groenland par exemple.
C’est une formidable aventure ce marathon. C’est un exploit réellement impressionnant !
Oui, mais ce que je trouve vraiment surprenant, c’est le fait qu’au final la préparation leur ai semblé si « simple » (enfin, comme celle d’un marathon)…après quand je lis les interviews sur leur site, bon, je comprend mieux !!!